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LONDRES, CORRESPONDANT - Le Royaume-Uni s'interroge : comment arrêter les destructions qui, en trois jours, ont dévasté des quartiers entiers de Londres, de sa banlieue, ainsi que de Birmingham, de Bristol et de Liverpool ? C'est une guérilla urbaine qui est menée sur le territoire du royaume par des jeunes hooligans auxquels la police s'est montrée incapable de répliquer.

Les saccages ont essaimé, lundi 8 août, à travers l'agglomération londonienne : d'abord Hackney et Camden à l'est, puis Lewisham, Peckham, Clapham et Croydon au sud, avant de gagner l'ouest. La troisième nuit d'émeutes donne l'impression aux sujets de Sa Majesté que la flambée des banlieues françaises est à leur porte. "La bataille pour Londres" : la manchette du Guardian résume la gravité des émeutes qui ont éclaté dans la soirée à travers la capitale.

Mardi matin, le bilan faisait état de 225 arrestations et de 25 policiers blessés depuis le début des violences. Dans la nuit, trois personnes soupçonnées de "tentative de meurtre" contre des membres des forces de l'ordre ont été arrêtées.

VIOLENCE INOUÏE
Après les incidents de ce week-end à Tottenham, Enfield et Brixton, des jeunes armés de bouteilles incendiaires, de briques, de battes de base-ball s'en sont pris, lundi en fin de journée, avec une violence inouïe, à la police et aux résidents dans le cadre d'attaques coordonnées via les réseaux sociaux. Centres commerciaux en flammes, immeubles incendiés, véhicules détruits, magasins pillés, résidents dévalisés… Les quartiers visés ressemblent à une "zone de guerre", pour reprendre l'expression de la députée travailliste d'Hackney, Diane Abbott.

Comme l'a déclaré le vice-premier ministre, le libéral-démocrate Nick Clegg, "la vague de violence gratuite n'a absolument rien à voir avec la mort de Mark Duggan", du nom du jeune Antillais, père de famille tué, jeudi 4 août, par les tireurs d'élite de la Metropolitan police (Met) dans des circonstances non élucidées. "Des gangs de jeunes criminels surmontant leurs disputes territoriales s'en sont pris à l'ennemi commun, la police, avec succès", a déclaré un ex-responsable de l'opération "Trident" (lutte contre la grande délinquance au sein de la communauté noire).

Totalement dépassée, la Met a dû faire appel aux forces limitrophes des comtés du Sussex et du Surrey, de la Thames Valley Authority, ainsi qu'à la police des transports et à celle de la City. En vain, les bobbies ont été rapidement débordés par des bandes de casseurs, Blancs et Noirs mêlés, masqués et cagoulés pour la plupart.

AUCUN CANON À EAU

Comme l'indique le faible nombre d'arrestations, les forces de l'ordre ont été prises de court par les tactiques de harcèlement des émeutiers. Seulement 10% des 30 000 policiers de la Met sont formés au maintien de l'ordre. Etrangement, la Grande-Bretagne ne dispose d'aucun canon à eau, dont l'utilisation est limitée à l'Irlande du Nord. A plusieurs reprises, la Met a dû démentir les rumeurs persistantes d'un appel à l'armée en cas d'aggravation de la situation.

Conscient de l'enjeu, le premier ministre, David Cameron, est rentré d'urgence de vacances en Italie pendant la nuit pour présider, dans la matinée de mardi, le comité de sécurité Cobra. Le chef du gouvernement devrait résister aux appels de la frange la plus dure de son électorat d'imposer l'état d'urgence.

Les affrontements se produisent au plus mauvais moment pour le gouvernement de coalition entre les tories et les libéraux-démocrates dirigé par M. Cameron, qui montre ses faiblesses sur l'un de ses thèmes majeurs, la loi et l'ordre. L'extension des désordres à des zones plus bourgeoises où cohabitent HLM et petites maisons des classes professionnelles ne peut que radicaliser les électorats conservateur et libéral-démocrate. Au-delà des condamnations unanimes du monde politique, M. Cameron devrait poursuivre une ligne dure devant des actes criminels.

DAVID CAMERON AFFAIBLI

La vacance du pouvoir a fortement affaibli l'hôte du 10 Downing Street. Le premier ministre, le ministre de l'intérieur, celui des finances et le maire conservateur de Londres étaient en congés ces derniers jours. Le vice-premier ministre, Nick Clegg, venait de rentrer de villégiature quand il s'est rendu immédiatement à Tottenham.

A un an des Jeux olympiques de Londres, les responsables s'inquiètent de l'effet des images de dévastation diffusées en boucle à l'étranger. Le quartier de Stratford, dans l'Est londonien, où sont situés les installations sportives et le village olympique, est, à l'instar de Tottenham, l'un des quartiers pluriethniques les plus pauvres de la capitale.

Les autorités s'inquiètent de la vulnérabilité de la gare de King's Cross – d'où partiront les navettes à grande vitesse Javelin reliant le centre-ville au parc olympique –, et du futur centre commercial Westfield situé aux abords de la cité olympique. Le service de contre-espionnage MI5, chargé d'évaluer la menace terroriste, est désormais confronté au risque d'émeutes urbaines lors des Jeux.
La police a ordonné l'annulation de tous les matches de football à Londres jusqu'à nouvel ordre. La tenue du fameux carnaval antillais de Notting Hill, à la fin août, est désormais en question.

Marc Roche (Le Monde)